vendredi 30 octobre 2015

Première tranche


Ca y est. Il est tôt encore, et malgré le changement d'heure c'est encore nuit noire. Noire? Pas tout à fait. La lune était pleine il y a peu et elle est là bien brillante, derrière la fenêtre de la cuisine, et en descendant je voyais les taches de lumière de ses rayons sur la table et le carrelage bleu. 
Ca y est : on y est à ces quelques jours off tant attendus - même si les semaines ont filé vite, si vite, depuis qu'on est rentrés d'Istanbul et qu'on s'est replongés, comme toujours, dans cette grande vague de la rentrée. Drôle de sentiment du temps qui passe, entre les journées qui semblent parfois interminables -surtout le matin face à mon agenda du jour- et les semaines qui coulent entre les doigts... 
Alors oui, on a survécu à la rentrée. Les enfants à leur manière, plutôt bien je crois, les grands avec leur nonchalance habituelle, les plus petits avec enthousiasme et une belle envie de bien faire. Pour nous, non sans quelques grincements de dents sur le plan des finances (nos aventures turques ont laissé quelques traces que ces deux mois commencent à permettre tout doucement de résorber...), mais dans le quotidien familial, il me semble que la danse effrénée s'est dansée plutôt avec grâce. 
Au boulot il y a eu des heures rudes, peut être là aussi, "comme toujours", mais avec des pincements peut-être un peu plus douloureux, autour du sens de ce travail (je travaille dans le domaine de l'aide et de la protection de l'enfance), de la manière de se confronter à toute cette souffrance sans s'y perdre, et des conditions pas toujours justes - parfois même franchement injustes - dans lesquelles on fait ce métier impossible... Stop ou encore, alors? Je réponds encore, bien sûr, même si quelques blessures sont bien là, et qu'il n'en faut pas beaucoup ces jours-ci pour que les yeux se remplissent de larmes. Mais il y a aussi le reste, du café et du vélo, mes enfants qui grandissent et se débrouillent pas si mal que ça, les collègues et leur énergie, et le projet, impossible-mais-c-est-pas-pour-autant-qu-on-renonce, croire à un idéal, et être ensemble, vraiment, pour faire "le moins mal possible"... et c'est déjà beaucoup. Et puis ceux à qui on donne ou tente de donner, tous ces petits bouts d'histoire dont je suis témoin ou confidente et que j'espère leur rendre un jour, même si ils font mal, les regards bien en face, les sourires, les questions, la sincérité qu'on y croise, tout ce qui permet de tenir le coup... 
Heureusement quand même qu'il y a les week-ends, ces petites respirations d'entre-deux.  La chance d'avoir deux salaires qui ne font pas de nous des "riches", mais nous permettent, comme je le dis souvent aux enfants, d'avoir "tout ce dont on a besoin et une bonne partie de ce dont on a envie" (mais pas tout) (et c'est peut être pas plus mal). Les paniers bio et la créativité culinaire qui doit s'y associer. Heureusement qu'il y a la maison accueillante, ne pas se priver d'une fleur ou d'une bougie, le plaisir de cuisiner pour ceux que j'aime, les amis. Et puis cette semaine il y avait octobre rayonnant à nos portes, pendant qu'on décomptait les jours!
Dix jours maintenant pour relever la tête et respirer autrement, lire, cuisiner, bricoler, réfléchir, dormir. Prendre du bon et du doux, mon appareil photo en bandoulière bien sûr.  

11 commentaires:

  1. que c'est bon de te lire, j'aime tellement tes tranches de vie. Bonnes vacances alors. Profitez bien et reposez vous !

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  2. Profitez de ce break pour respirer, prendre l'air, vous aérer... ton travail me semble bien lourd dans tous les sens du terme... tes photos comme toujours me donnent envie de sortir le mien plus régulièrement, et pas seulement pour les vacances ou les moments d'évasion, parce que ces tranches de quotidien sont belles elles aussi et ils ne faut pas les oublier... tu as bien raison, des fleurs, un bon gâteau, une bougie...bises Gaële

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  3. C'est puissant ce que vous dites-là Cécile, cela me touche et résonne au plus profond de moi; mes yeux se sont mouillés. Il est bien vrai que la famille est le lieu de réconfort, de ressourcement (même si cela n'est pas toujours évident n'est-il pas ??!!) lorsqu'au quotidien on est confronté à la souffrance, détresse, questionnement, peur, révolte, .... d'enfants, adultes jeunes ou moins jeunes. Ce regard éteint ou qui questionne, qui attend, qui espère .... Pour tenir au long terme point de bouclier mais bien un décapage couche par couche de qui nous sommes jusqu'à notre noyau dur, Alors oui la simplicité du quotidien a une saveur toute particulière, les couleurs du ciel, le soleil, le rythme de la lune, une fleur, l'oiseau qui chante, le sourire d'un passant, l'odeur du gâteau qui cuit, le rire et les cris de nos propres enfants bien en vie et envie, nourir les siens avec les produits issus de notre terre .... ces gestes simples apaisent et ont le goût du bonheur.
    Souvent en résonnance avec vos lectures ... quelques dizaines de kms plus au sud nous séparent ; la Belgique n'est pas bien grande .... et je me plais à rêver vous rencontrer autour d'un thé ou sur un banc ou ... pour se raconter un peu plus .... et vous dire la résonnance de vos magnifiques billets, photos, reportages. C'est la 1re fois que je tapote le clavier ici ...
    Belles vacances ressourçantes Cécile. Bon temps avec les vôtres. Le soleil est avec nous !!
    Et merci du fond du coeur pour vos billets enchanteurs.
    Marie-Françoise

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  4. cette tranche résonne ici aussi, mais les vacances sont déjà finies pour moi. Ce fut bon, si doux, ensoleillé et plein de "dehors". Le bonheur... quand à dore stop ou "encore" là je commence à pencher pour le stop de mon côté...

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  5. Nous n'avons pas d'enfant... mais je partage cette vision de la vie... Et oui, c'est difficile de bosser dans le social, de faire au mieux quand tout n'est pas (du tout) 'au mieux' et qu'il y a l'humain au centre. Alors faire de son mieux... (et quelle chance de pouvoir se serrer les coudes en équipe, ce n'est malheureusement pas toujours le cas... !)

    (Je suis des cours de luxembourgeois, au milieu de travailleurs qui ont des jobs difficiles, femmes de ménage, maçons, qui parlent difficilement le français... et rien, mais vraiment rien, n'est fait pour que ces 6h de temps donnés par semaine soient des expériences de réussite.)

    De la douceur sur vos vacances, de la joie !

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  6. Je viens vous lire depuis.....depuis quand déjà?? Depuis avec Félix et votre congé maternité je crois... Et mon Dieu que cette petite fenêtre est belle et respire le vrai, pas le magazine en papier glacé avec enfants parfaits au look pointu et maison deco vide... Non de la vraie vie de famille qui rebooste quand la notre nous épuise... Mon premier à l'âge de votre dernier et ma petite bande compte 3 lutins charmants mais qui me pompent toute mon énergie, déjà un peu entamée par mon boulot auprès d'enfants en situation de handicap. Alors merci pour ces chouette respirations et ce partage ! Continuez !

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  7. je ne laisse pas souvent de commentaire mais là vos mots me touchent bcp;;;j'ai eu les larmes aux yeux...des mots justes et vrais....belles vacances...

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  9. Que j'aime vous lire! Merci pour vos mots et votre regard tendre, et enthousiste. Nous rentrons de Bruxelles; 3 jours avec nos 4 galopins pour découvrir cette ville étonnante et qui se métamorphose sous nos yeux. Là, les vers de Baudelaire prennent tout leur sens: "La forme d'une ville change plus vite (...) que le coeur d'un mortel". Que de travaux, de chantiers; quelle joyeuse juxtaposition de l'ancien et du moderne! Dans les parcs aux feuilles d'or, j'ai pensé à vous. Ce n'était pas le Bois de la Cambre "mais c'était bien joli tout de même "! Je vous souhaite de réconfortantes vacances.
    Caroline / gaudahicetnunc (IG)

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  10. Quelle belle et douce ambiance chez toi... et un bel esprit aussi! Je dis souvent la même chose concernant les deux salaires, et cela a pris une autre tournure dernièrement. Si je comprend bien vous êtes en vacances! Ici point de ce temps d'arret et cela me manque cette année...

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