Ca y est. Il est tôt encore, et malgré le changement d'heure c'est encore nuit noire. Noire? Pas tout à fait. La lune était pleine il y a peu et elle est là bien brillante, derrière la fenêtre de la cuisine, et en descendant je voyais les taches de lumière de ses rayons sur la table et le carrelage bleu.
Ca y est : on y est à ces quelques jours off tant attendus - même si les semaines ont filé vite, si vite, depuis qu'on est rentrés d'Istanbul et qu'on s'est replongés, comme toujours, dans cette grande vague de la rentrée. Drôle de sentiment du temps qui passe, entre les journées qui semblent parfois interminables -surtout le matin face à mon agenda du jour- et les semaines qui coulent entre les doigts...
Alors oui, on a survécu à la rentrée. Les enfants à leur manière, plutôt bien je crois, les grands avec leur nonchalance habituelle, les plus petits avec enthousiasme et une belle envie de bien faire. Pour nous, non sans quelques grincements de dents sur le plan des finances (nos aventures turques ont laissé quelques traces que ces deux mois commencent à permettre tout doucement de résorber...), mais dans le quotidien familial, il me semble que la danse effrénée s'est dansée plutôt avec grâce.
Au boulot il y a eu des heures rudes, peut être là aussi, "comme toujours", mais avec des pincements peut-être un peu plus douloureux, autour du sens de ce travail (je travaille dans le domaine de l'aide et de la protection de l'enfance), de la manière de se confronter à toute cette souffrance sans s'y perdre, et des conditions pas toujours justes - parfois même franchement injustes - dans lesquelles on fait ce métier impossible... Stop ou encore, alors? Je réponds encore, bien sûr, même si quelques blessures sont bien là, et qu'il n'en faut pas beaucoup ces jours-ci pour que les yeux se remplissent de larmes. Mais il y a aussi le reste, du café et du vélo, mes enfants qui grandissent et se débrouillent pas si mal que ça, les collègues et leur énergie, et le projet, impossible-mais-c-est-pas-pour-autant-qu-on-renonce, croire à un idéal, et être ensemble, vraiment, pour faire "le moins mal possible"... et c'est déjà beaucoup. Et puis ceux à qui on donne ou tente de donner, tous ces petits bouts d'histoire dont je suis témoin ou confidente et que j'espère leur rendre un jour, même si ils font mal, les regards bien en face, les sourires, les questions, la sincérité qu'on y croise, tout ce qui permet de tenir le coup...
Heureusement quand même qu'il y a les week-ends, ces petites respirations d'entre-deux. La chance d'avoir deux salaires qui ne font pas de nous des "riches", mais nous permettent, comme je le dis souvent aux enfants, d'avoir "tout ce dont on a besoin et une bonne partie de ce dont on a envie" (mais pas tout) (et c'est peut être pas plus mal). Les paniers bio et la créativité culinaire qui doit s'y associer. Heureusement qu'il y a la maison accueillante, ne pas se priver d'une fleur ou d'une bougie, le plaisir de cuisiner pour ceux que j'aime, les amis. Et puis cette semaine il y avait octobre rayonnant à nos portes, pendant qu'on décomptait les jours!
Dix jours maintenant pour relever la tête et respirer autrement, lire, cuisiner, bricoler, réfléchir, dormir. Prendre du bon et du doux, mon appareil photo en bandoulière bien sûr.